par Nikola Mirkovic.
L’amitié entre Russes et Serbes n’est pas un vain
mythe. C’est une réalité spirituelle, culturelle et charnelle que peu de
peuples ont la chance de connaître et ça n’est pas pour rien
qu’aujourd’hui encore la Serbie regarde la Russie comme son grand frère
et que les Russes voient les Serbes comme leurs cadets. Cette fraternité
remonte de manière tout à fait naturelle à la même origine slave de ces
deux peuples qui partagent une langue slave, une culture slave bien que
vivants dans des régions bien distinctes d’Europe et deux peuples qui
vont maintenir la foi chrétienne orthodoxe. C’est très important. Entre
les 13è et 15è siècle quand les Serbes sont une très grande puissance
dans les Balkans, ils vont soutenir le monastère russe de Saint
Panteleimon sur le Mont Athos alors que les Russes sont sous le joug des
Tatars. A la même époque Gregory Tsamblak and Pakhomy Logofet (dit
Pakhomy le Serbe) vont largement contribuer à améliorer le style russe
de rédaction des chroniques et corriger les livres liturgiques. Dès
l’arrivée des Ottomans au XIVè siècle et l’occupation du royaume serbe
les relations avec les Russes vont naturellement se compliquer mais les
Russes ne vont pas abandonner leurs frères petits frères pour autant,
bien au contraire. Certains Serbes vont décider d’aller s’installer en
Russie comme Lazar le Serbe, moine, qui va construire la première
horloge publique russe pour le fils ainé de Saint Dimitri Donskoi, le
grand prince Vassili I de Moscou en 1404. Aussi, il est moins connu que
la mère d’Ivan le terrible était Elena Glinskaya elle-même fille de la
princesse serbe Anna Jakšić. Tout au long de l’occupation ottomane les
dynasties russes vont aider les Serbes : Boris Gudunov proposera des
terres aux Serbes et Mikhail Federovich aidera financièrement le
patriarcat serbe en Métochie à Pec. Mais la fraternité russo-serbe
dépasse des origines communes et ces quelques échanges historiques au
Moyen-Age et se fortifient réellement au moment où la Serbie va
commencer à se libérer de l’occupant ottoman au début du XIXè siècle.
Une grande période de la fraternité russo-serbe commença sous Pierre Ier
le Grand qui a fait venir de nombreux Serbes pour servir dans son armée
et qui se sont notamment battus à la bataille de Poltava et pendant la
campagne prusse. Pierre Ier fit également venir de nombreuses familles serbes dans l’Empire qui s’installèrent en Slavo-Serbie sur la rive occidentale du Donets 1.
Pour le professeur Henri Gaidoz : « La valeur des troupes serbes était
connue en Russie, et dès 1727 l’impératrice Anne avait formé un régiment
de hussards serbes, qui avait été établi en Ukraine comme colonie
militaire. 2»
Des historiens serbes estimes à 100 000 le nombre de Serbes partis
s’installer sur les terres russes nouvellement conquises aux Ottomans
dans l’actuel Donbass en feu. Plus tard Catherine II se souvint qu’au
Moyen-Age les Serbes avaient été très présents pour aider les Russes et
voulut, à son tour, ne pas abandonner le petit frère sous l’occupation.
Elle fit envoyer le professeur Maxime Suvorov avec 400 abécédaires et
100 grammaires pour ouvrir une « école slave » près de la frontière
autrichienne. De nombreux professeurs de l’Académie théologique de Kiev
succédèrent à Suvorov comme Kozachinsky, Kazunovsky ou Minatsky. Des
liens s’approfondirent avec à Kiev et des dizaines de Serbes partirent
s’y former dont l’historien Jovan Racnic. Quand l’impératrice
autrichienne Marie-Thérèse aboli le statut des Serbes vivant sur la
frontière avec l’Empire Ottoman, de nombreux Serbes fuient l’Autriche et
vont s’installer en Novorossiya, la Nouvelle Russie. 3 000 Serbes vont
s’installer dans la région proche des régions de Lugansk et Kirovograd
pour protéger l’empire des incursions des Tartars de Crimée ou des
menaces ottomanes. L’exode fut tellement populaire et important que
l’Impératrice Marie-Thérèse revint sur sa décision et interdit aux
officiers Serbes de prendre la nationalité russe. L’assimilation des
colons Serbes dans l’Empire se fait parfaitement et, on peut le
regretter, en 1900 les descendants des Serbes en Nouvelle Russie sont
tous russifiés, non de force, mas par l’assimilation progressive
simplifiée par la foi commune orthodoxe et la proximité des langues.
A la fin du XVIIè siècle les relations entres Russes
et Turcs se détériorent et en 1769 Catherine II invite les Chrétiens des
Balkans à se révolter contre les Ottomans. Les Autrichiens et Russes
s’allient et les révoltes serbes affaiblissent considérablement l’armée
ottomane. En 1788 les Autrichiens chassent les Turcs de Belgrade mais
pour une trop courte durée et l’Autriche doit rendre la ville blanche
aux Turcs par le Traité de Sistova en 1791 qui fixe la frontière
austo-ottomane sur la Save.
En 1803 l’Archimandrite Arseniy Gagovic rencontre l’Empereur Alexandre Ier
et le supplie de venir en aide aux Serbes qui vivent sous le joug
ottoman. Mais Alexandre ne peut pas car il est lié par le traité de
Tilsitt qui l’empêche d’attaquer l’Empire Ottoman. L’acte moderne de
l’alliance qui marquera les historiens et les peuples sera
indubitablement la demande d’alliance de George Petrovic, plus connu
sous le nom de Karageorges qui mena les insurrections anti-ottomanes
entre 1804 et 1813 quasiment au même moment que la guerre russo-turc de
1806 à 1812. En 1815… et en 1829 la Serbie obtient sa première réelle
autonomie au sein de l’Empire Ottoman grâce au travail de Milos
Obrenović facilité par la victoire des Russes contre les Ottomans et la
Paix d’Andrinople en 1829. En 1834 c’est même la Russie qui convainc la
Sublime Porte de laisser les Serbes avoir, de nouveau, leur propre
patriarcat.
Ceci va changer en 1806 et la 8è guerre russo-turque
où la Russie va activement soutenir le chef des rebelles serbes
Karageorges. Les Serbes remportent des victoires impressionnâtes sur les
Ottomans et le Major-General Ivan Isaev avec mille hommes viendra aux
côtes des Serbes défaire les Ottomans près de Stubnik et à la forteresse
de Negotin. Forts de ses victoires les Serbes veulent se ranger
derrière l’Empereur Alexandre 1er et intégrer l’Empire russe. Une convention est rédigée et de nombreux projets préparés pour l’intégration mais Alexandre 1er
préfère signer l’armistice de Slobozia avec la Sublime Porte et
abandonne les territoires de Serbie centrale à l’empire ottoman en ayant
négocié quand même la vie sauve aux Serbes ayant participé aux
révoltes. La Serbie implore alors l’aide de Napoléon et des Habsbourg
mais en vain. En 1810 le général russe M.I. Kutuzov reprend les rênes de
la guerres contre les Turcs et envoie armes, munitions et soutien
médical aux Serbes heureux de retrouver le soutien du grand frère mais
la joie est de courte durée, le 24 juin 1812 Napoléon attaque la Russie
et les Russes abandonnent de nouveau les Serbes aux Ottomans qui font
payer aux Serbes un baind de sang terrible pour s’être révoltés. La
Russie restait un modèle pour les Serbes mais la confiance en l’Empereur
et l’aide de l’armée disparut jusqu’en 1867 sous le règne d’Alexandre
II qui prête de l’argent à la Serbie et y envoie des armes, des
munitions et des instructeurs militaires. A cette époque les idées
slavophiles se répandent à Moscou et Belgrade… En 1875 les Serbes de
Bosnie se révoltent contre les Ottomans et bien que le minsitre russe
des affaires étrangères n’approuva pas ce soulèvements des milliers de
Russes s’organisèrent pour envoyer de l’aide aux Serbes et plus de 3000
volontaires dont 700 officiers accoururent vers la Serbie. En 1878 la
Serbie obtient une première libération au traité de Berlin qui sera
complète après les guerres balkaniques de 1912 et 1913. A chaque étape
Moscou a toujours soutenu d’une manière ou d’une autre l’émancipation du
peuple serbe et son droit à l’indépendance et à recouvrir un Etat.
Pendant la révolution, les Serbes se battent du côté
des Blancs et des Bolchéviques. Avec la victoire de ces derniers, les
relations vont se distendre avec la Royaume des Serbes, Croates et
Slovènes. Après la deuxième guerre mondiale les peuples serbe et russe
sont en deuil, bien qu’ayant perdu des millions d’hommes dans un
sacrifice incroyable aucun des deux n’est gouverné par un homme issu de
son peuple avec un Georgien à la tête des Russes et un croato-Slovène à
la tête des Serbes. De surcroît Staline et Tito ne s’aimaient pas et les
relations vont se distendre pendant que de parts et d’autres le socle
commun orthodoxe des Russes et des Serbes sera brisé sous le marteau
communiste. Les relations s’amélioreront progressivement après la mort
de Staline en 1953.
Dans les années 1990 le vieux monde issu de la guerre
froide tel que nous l’avons connu se fissure. Le mur de Berlin
s’écroule en XXX, la Russie de Gorbatchev met en place la Perestroïka et
les oligarques occidentaux font main basse sur l’Union Soviétique qui
disparaît complètement à Noël en 1991. Les Serbes, au sein de la
Yougoslavie voient le monde se transformer et refusent le modèle libéral
occidental qu’on veut lui imposer. LA Yougoslavie n’est pas contre
l’occident mais elle veut rester indépendante comme la Yougoslavie l’a
été pendant toute la guerre froide. C’est pour cette seule raison
qu’elle s’est attirée les foudres du camp occidental qui a voulu montrer
quel est le prix à payer pour les pays qui refusent le nouvel ordre
mondial cher à GWB. Par des manœuvres politiques extérieures et en
réveillant et finançant un ultra-nationalisme belliqueux, l’occident a
eu la peau de la Yougoslavie et a réussi à diaboliser le Serbes qui, en
l’espace de quelques mois, étaient passés de peuple ami historique de
l’occident à l’incarnation même du diable. La Russie a appuyé la Serbie
avec plus ou moins d’ardeur pendant cette tragédie. L’envoyé spécial
russe en Bosnie – Herzégovine, Vitaly Churkin, avait même abandonné les
Serbes de Bosnie et conseillé à Boris Eltsine d’utiliser la force contre
eux. Mais la position russe a progressivement mué et en voyant les 250
000 Serbes se faire chasser de Krajina en Croatie en 1993 ou massacrés à
XXX en Bosnie. Lors des bombardements illégaux de l’OTAN en 1999
Eltsine et tout à fait opposé à la guerre contre les Serbes qu’il
déclare « illégale » mais Moscou n’était plus que l’ombre d’elle-même
et, malgré les vociférations de son président, n’a rien pu faire pour
aider le petit frère. Il y eut la prise de l’aéroport de Pristina à la
barbe de l’OTAN mais ce fut une victoire symbolique et Washington et
Bruxelles réussirent finalement à disloquer la Yougoslavie et inventer
deux nouveaux Etats majoritairement musulmans en plein milieu de
l’Europe la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo.
Les Serbes et les Russes avaient en commun qu’ils
avaient été vaincus par le libéralisme occidental les Uns par les bombes
et les autres par les dollars mais ça n’était qu’en apparence. Avec
l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, le ton va changer radicalement
et la Russie va reprendre son destin en mains et chasser les marchands
du temps. La Serbie, encore sous le choc des guerres des années 1990 va
continuer à résister héroïquement à la pression occidentale et refuser
de reconnaître l’Etat fantcohe du Kosovo ce qui lui vaut forces
répressions de la part des Etats-Unis et de l’Union européeene. Pour sa
plus grande joie elle sait qu’elle peut de nouveau compter sur son grand
frère russe qui, reprend du poil de la bête et n’hésite pas à
systématiquement intervenir en sa faveur pour refuser la reconnaissance
du Kosovo à l’Onu ou rejeter la reconnaissance d’un prétendu génocide à
Srebrenica en Bosnie. Enhardi par un tel support les Serbes vont de plus
en plus affirmer leur amitié historique avec la Russie qui le lui rend
bien. On aurait pu croire que la lune de miel serait de nouveau célébrée
par l’arrivée au pouvoir en 20VV du nouv prés Nikolic et la nomination
de son PM AV de fervents défenseurs de l’amitié franco-russe mais il y
eut un coup de théat. On ne sait quelle pression a été exercée sur eux
mais les 2 politiciens serbes sont retournés par les occ et développent
une stratégie de grand-équilibriset tentant de plaire aux Européens et
aux Russes. Le jeu est dangereux et nombreux sont ceux qui vouent cette
stratégie à l’échec car on assiste à des situations absurdes où, le même
we, l’armée serbe va effectuer des exercices militaires avec l’armée
rus et en même temps avec l’Otan au Monténégro… Ca n’a pas de sens et on
voit bien que l’Etat serbe est déchiré entre deux camps jusqu’au
tréfonds de ses entrailles avec Nikolic plutôt pro Moscou qui dira en
20132 : « La seule chose que j’aime plus que la Russie, c’est la
Serbie » et Vucic plutôt pro Washington qui a été visiblement retourné
par le camp Atlantiste. Le dilemme est complètement cornelién entre
l’UE, dont la Serbie a besoin économiquement, et la Russie que la Serbie
aime charnellement. Deux tiers des importations et exportations de la
Serbie se fait avec des pays de l’Union européenne, ce qui explique
pourquoi la Serbie n’ose pas franchir le rubicon d’un plus grand
partenariat avec la Russie qui ne pourra peut-être pas compenser les
pertes économiques importantes si la Serbie lâchait ses partenaires de
l’UE. Aujourd’hui la Russie représente 10% des importations serbes et
seulement 7% des exportations serbes. Ces choix ne plaisent à personne
mais on peut se réjouir qu’il y ait quand même un camp pro-russe très
important au sein de l’administration serbe qui reflète réellement les
aspirations de la quasi-totalité du peuple serbe.
Ainsi malgré les sanctions imposées à la Russie par
le camp occidental, la Serbie refuse coûte que coût de les imposer
malgré les très fortes pressions de l’UE. Du reste Moscou comme Belgrade
parlent d’un « partenariat stratégique » entre les deux pays. Bien que
partenaire piou la paix » (2006) de l’OTAN, La Serbie est observateur au
Cikllective security treat organisationpoursuit ses entrainements
militaires avec la Russie, importe 80% de son gas de Russie, la Russie a
établit un centre humanitaire au sud de la Serbie à Nis. Ce mois de
décembre 2016 est plutôt encourageant : le ministre des affaires
étrangères russes Sergueï Lavrov était en visite à Belgrade au début du
mois et le premier ministre serbe était à Moscou à la fin du mois. Lors
des deux visites il a été acté que la Russie donnerait 6 avions de
combat Mig-29 à la Serbie ce qui fait dire à Ivica Dacic le Ministre des
affaires étrangères serbes que « la Serbie ne deviendra jamais un Etat
antirusse et ne rejoindra jamais ceux qui appliquent des sanctions à la
Russie. » La Russie a intérêt à maintenir une forte relation avec la
Serbie pour maintenir une certaine influence dans les Balkans où
quasiment tous les pays sont sous la coupe de l’UE et de l’OTAN (la
Croatie, l’Albanie, la Slovénie et peut-être bientôt le Monténégro) et
compte sur le fort soutien de la Serbie mais également de la Republika
Srpska, l’entité serbe de la Bosnie-Herzégovine dont le président Dodik
est un ferveur défenseur des relations fortes avec la Russie.
Aujourd’hui la situation de la fraternité est
délicate : la danse du ventre de Vucic aura des limites car la Serbie
n’a pas assez de pouvoir pour imposer une neutralité parfaite et une
alliance économique avec les deux blocs atlantiste et russe. Le camp de
l’UE ne cesse de réprimer Belgrade à ce sujet et les Russes, bien que
très patients, se demandent bien quand le petit cirque du premier
ministre serbe va s’arrêter. Le peuple serbe, lui, a très nettement
exprimé sa préférence pour Poutine et la Russie. Lors de la venue du
président russe à Belgrade en 201XX des milliers de Serbes étaient
descendus dans la rue pour acclamer le leader du monde libre. En
novembre 2011 quand les Serbes du Kosovo sentaient que le gouvernement
de Belgrade ne les soutenait plus , 21 000 Serbes ont adressé une
demande de citoyenneté à Moscou estimant que Poutine protégerait mieux
les Serbes du Kosovo et de la Métochie que le gouvernement serbe de
l’époque. Du reste des autocollants à l’effigie de Poutine ornent de
nombreuses rues des enclaves serbes où il est extrêmement populaire,
d’ailleurs comme dans le reste de la Serbie. L’adage populaire dit que
les politiciens passent et que le peuple reste, le peuple serbe n’a
peut-être pas le gouvernement qu’il lui faut en ce moment mais il sait
qu’il peut compter sur Moscou pour le secouer et le remettre dans le
droit chemin. C’est à cela que servent les grands frères.
Notes
1 Aujourd’hui
cette ancienne région se trouve entre l’oblast de Lugansk au Donbass et
l’oblast de Rostov-sur-le-Don en Russie. Le centre administratif de la
Slavo-Serbie était la ville de Slovianoserbsk au nord-ouest de Lugansk.
De nombreux Serbes s’y battent du reste encore aujourd’hui pour la
défense du Donbass.
2 Revue des Deux Mondes tome 17, 1876.Article paru sur le site Katehon.